Chronique 66 - Changement de modèle démocratique La démocratie représentative touche ses limites. Si l’on ne se résout pas à l’instauration d’une démocratie adulte, la démocrature va s’installer peu à peu.
Dans notre démocratie représentative, le choix par le peuple de ses représentants présente deux limites. Le programme des candidats est proposé clés en mains, sans possibilité de l’amender : le choix de l’électeur est réduit à tout prendre ou tout laisser. Par ailleurs, comme il n’y a pas vraiment de débat ni avant ni après l’élection, les diagnostics ne sont pas partagés avec les citoyens : ils ne sont donc pas en position d’assumer en profondeur les décisions de leurs élus. Cette faible adhésion est d’autant plus préoccupante que le monde change de plus en plus vite. A la réactivité pourtant indispensable se substitue une inertie socio-politique qui interdit la prise en charge des transitions climatique, énergétique, financière, économique, et autre affaissement de la biodiversité ou épuisement des matières premières.
La démocratie représentative
Dans le système politique actuel, le citoyen délègue son pouvoir avec son bulletin de vote qui est son seul moyen d’expression. Pour être élu, le candidat doit, quant à lui, se positionner en défenseur d’une gamme d’intérêts particuliers la plus large possible. Dans ces conditions, l’exercice de la responsabilité intellectuelle qui consiste à prendre en considération toutes les composantes et de tous les enjeux de la cité reste aléatoire pour tous, élus comme citoyens.
La démocratie adulte
Conjuguer les intérêts particuliers oblige à entrer dans la complexité. Le faire en transparence suppose de se parler avec franchise : c’est en lui donnant la parole en présence des autres que l’on implique le citoyen dans la prise en charge de l’altérité. Il est alors en situation de dépassement de ses seuls intérêts particuliers. C’est pourquoi réunir les conditions de la recherche et de l’accomplissement de l’intérêt général suppose de distribuer la parole en public à la diversité des citoyens.
Pour y parvenir, le dirigeant de la cité doit intégrer toutes les réflexions individuelles dans la réflexion collective. Peu à peu, sujet par sujet, avec tous les acteurs, afin que le raisonnement global imprègne les raisonnements individuels. C’est donc cette aptitude à inclure et ordonner tous les faits et idées de toutes les personnes qui est la source de la responsabilité intellectuelle susceptible d’irriguer tous les méandres de la cité.
La démocrature
Tant qu’il ne sera pas doté de leviers d’intervention qualitative dans le processus politique, le citoyen ne pourra que simplifier son choix à outrance. Jusqu’à faire barrage pour éliminer ce qui lui disconvient le plus, ou s’abstenir quand rien ne lui convient. L’absence de processus interactif nuit aussi au candidat : il reste alors quasiment seul pour approfondir sa connaissance des innombrables sujets sur lesquels il se doit pourtant de développer son expertise tous azimuts.
Pour pallier à ses inévitables manques, il construit des alliances avec d’autres candidats. Mais le citoyen demeure loin de l’élaboration de ces accords complexes et épineux, qui conjuguent des programmes parfois peu compatibles, des carrières personnelles concurrentes et qui visent à se répartir des parts de marché électoral. Absent de ces intrigues de palais, le citoyen en perçoit néanmoins la dimension tactique partisane. Rejeté de la vie politique, il la rejette en retour. Devenu ingouvernable, il doit alors encore plus être mis à l’écart. Ainsi, la spirale de la descente dans une pseudo démocratie est à l’œuvre, qui fait sombrer tout le monde dans l’irresponsabilité collective….
Et la société dans la contreperformance culturelle, économique et sociale. Il suffit de constater le recul de la France dans la plupart des classements internationaux, en tous domaines, pour savoir que la démocrature fait son office depuis des décennies, tout doucement, sans faire de bruit. Combien de temps encore les français resteront-ils dans la facilité… ?
Relancer le cercle vertueux est toujours possible. Énergie, courage et clairvoyance sont nécessaires pour donner le coup de rein nécessaire à l’instauration d’une démocratie citoyenne. L’initiative peut venir de n’importe où, d’un candidat ou d’un élu, à un niveau local, national ou international. Au citoyen, en adulte responsable de toute la cité, de contribuer à réunir les conditions de son éclosion.
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