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Chronique 62 -  Pour qui voter ? Les quatre critères de choix

Quand arrivent les élections présidentielles, la question se pose de savoir comment décider à qui confier les clés des pleins pouvoirs ? Quels critères de choix appliquer : la personnalité visible, les compétences, le programme ou … ?

L’élection présidentielle est la plus importante du processus démocratique en France car le Chef de l’État concentre de très nombreux pouvoirs. Pour choisir l’acteur qui sera l’arbitre de nombreuses décisions importantes, quatre gammes de critères sont à considérer : la personnalité des candidats, leurs compétences, leur programme, leur maîtrise de la dialectique sociale.

1) La personnalité : apparente
Chacun peut se faire un premier avis sur les candidats au premier coup d’œil. L’apparence du postulant, sa posture physique, sa physionomie, son allure, sa tenue vestimentaire, son regard, son élocution, son charisme, son sens de la répartie, de la bienséance ou de l’humour : autant d’éléments qui nous rendent sa personne plus ou moins attractive. Pour autant, tout ceci n’emporte en rien sa capacité à prendre en mains la destinée de l’État et de la nation. Un citoyen responsable de la cité ne saurait donc s’en tenir à ces seuls facteurs de façade, de séduction.

2) La compétence : partielle
Il parait évident que tout aspirant à la fonction suprême doive connaître les dossiers. Mais comment évaluer son niveau de maîtrise, alors même qu’il est candidat précisément parce qu’il est sensé mieux maîtriser les enjeux que quiconque… ? Cela revient à faire expertiser le maître par l’élève !

Voilà pourquoi les diplômes revêtent de l’importance : d’autres maîtres ont déjà évalué ce nouveau candidat qui prétend être devenu maître. Mais cette approche trouve deux limites immédiates :

  • Aucun diplôme ne vaut pour toute la diversité des enjeux économiques, sociaux, technologiques, diplomatiques, biologiques… Dominer un domaine ne démontre pas qu’on les domine tous. Cela peut même être le contraire : l’acquisition d’une expertise suppose de focaliser son temps, ses neurones, sa curiosité, au point que l’on peut alors en manquer pour aborder tous les autres sujets.
  • Comme le monde change très vite et en permanence, avoir compris la situation d’hier ne garantit pas que l’on comprend encore celle d’aujourd’hui. Dans certains cas, c’est même dommageable, car cela peut forger des certitudes et des œillères qui perturbent la continuelle nécessaire remise en question au regard de l’évolution du monde.

Certes, la connaissance et la compréhension des dossiers sont des indicateurs quant à l’intelligence technique du candidat et donc à son sérieux, mais ils restent donc néanmoins insuffisants.


3) Le programme : magique
Pour appréhender son approche des problèmes, un raccourci consiste à se référer aux solutions proposées par le candidat, c’est-à-dire à son programme. Or, les élections passées montrent que les élus n’en mettent en œuvre qu’une fraction. Voire qu’ils ont parfois même, sur certains sujets, fait l’inverse de ce qu’ils prétendaient pendant leur campagne électorale… ! Attention donc à considérer les annonces pour ce qu’elles sont : des professions de foi… et non pas des engagements irrévocables ni même des promesses ! Le programme n’est en réalité le marqueur que de sa bonne intention… et encore, si l’on exclut tout cynisme de sa parole. Car tout candidat raisonnable connait la complexité du Monde et donc ses contraintes et facteurs d’inertie : prétendre détenir une pseudo baguette magique de la réforme revient en définitive à prendre l’électeur pour un abruti. D’où la montée de l’abstention, qui ne cessera qu’avec l’émergence de candidats qui convoqueront au contraire la responsabilité du citoyen.

4) La capacité de dialectique collective : non encore avérée
Il s’agit donc d’activer les neurones du plus grand nombre de personnes, de les engager dans la conjugaison, au mieux et en transparence, de toutes leurs expériences, de toutes leurs analyses et de toutes leurs idées. Cela suppose de permettre à chacun de vérifier par l’expérience pratique que donner la parole n’est pas donner raison, mais contribue à chercher la meilleure raison au service de tous et à long terme.

Ainsi, la clé réside donc dans la méthode d’implication du citoyen dans un processus de dialectique collective qui l’associe en transparence à l’élaboration d’un diagnostic approfondi et de solutions pertinentes. Il ne s’agit pas de tenir de faux grands débats lors desquels les dirigeants recueillent des propositions et, au mieux, expliquent aux citoyens ce qu’ils vont en faire…et qu’ils ne font pas ensuite ! Il ne s’agit pas non plus de déléguer la décision au peuple, par exemple via un référendum, mais de vraiment l’associer à la réflexion préalable aux décisions. Organiser une sorte de convention citoyenne avec quelques poignées de personnes ne pourra suffire non plus. Car cela ne constitue qu’une boite à idées, peut être sophistiquée, mais ne permet pas d’impliquer le corps social dans son ensemble, ce qui est pourtant indispensable à la mise en œuvre de solutions dont une partie peut contredire les entendements et bouleverser les habitudes.

Dans une république mûre, à l’avenir, les candidats qui auront le plus de chances d’être élus seront ceux qui maîtriseront le mieux ce type de talents d’organisateur de la dialectique sociale et sociétale à grande échelle. Cela n’adviendra que lorsque les électeurs auront fait de ce critère le principal repère de leur vote. D’içi là, à chacun de ceux d’entre nous, citoyens responsables déjà ancêtres de surhumain (relire Nietzsche), de contribuer à l’émergence de ce monde nouveau.

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Chronique du 26/02/2022 La Tribune

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